Les brûlures des grands brûlés présentent un risque majeur de surinfection bactérienne, parfois très difficile à traiter avec les antibiotiques existants. Récemment, une équipe de recherche a mené un essai clinique pour évaluer l’efficacité d’une technique particulière de lutte contre les infections, la phagothérapie. Les résultats ont été publiés dans la revue scientifique Lancet Infectious Diseases.
Qu’est-ce que la phagothérapie ?
La phagothérapie est un moyen de lutte contre les infections bactériennes, qui n’est pas uniquement destiné aux brûlures surinfectées. Cette approche repose sur l’utilisation de virus spécifiques (des bactériophages), qui s’attaquent aux bactéries, tout en étant totalement inoffensifs pour l’Homme.
Le concept de la phagothérapie n’est pas récent, les premières notions remontant à une centaine d’années. Mais depuis l’avènement des antibiotiques, cette approche avait été mise de côté. Elle refait surface aujourd’hui, à l’heure où se développent de plus en plus de résistances des souches bactériennes aux antibiotiques disponibles.
Progressivement, des scientifiques s’intéressent à la phagothérapie. Un nombre croissant d’études sont publiées sur l’efficacité de la phagothérapie dans le traitement de différentes infections. Certains chercheurs la présentent comme l’une des solutions possibles pour lutter contre l’antibiorésistance.
La phagothérapie dans les surinfections de brûlures
Dans le cas plus précis des brûlures surinfectées, aucune étude clinique, ni recommandation n’existent sur l’utilisation et l’efficacité de la phagothérapie. Un projet de recherche européen, incluant l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament (ANSM), a mené un premier essai clinique de qualité sur ce sujet.
L’étude, randomisée, contrôlée, en double aveugle, a porté sur 27 adultes atteints de brûlures infectées par la bactérie Pseudomonas aeruginosa. L’objectif était d’évaluer la sécurité et l’efficacité de la phagothérapie (application d’une solution de bactériophages), par rapport au traitement de référence : le sulfadiazine d’argent, utilisé localement. Les traitements étaient administrés quotidiennement pendant 7 jours, puis les patients étaient suivis sur une durée totale de 14 jours.
Une bonne tolérance, mais une efficacité limitée
L’infection locale de la brûlure s’est avérée réduite significativement après une durée moyenne de :
- 144 heures chez les patients traités par phagothérapie;
- 47 heures chez les patients traités par le sulfadiazine d’argent.
Toutefois, la moitié des patients traités par phagothérapie présentaient une charge bactérienne élevée, contre seulement 15 % dans le groupe de référence. Parallèlement, les chercheurs ont observé que les solutions de bactériophages étaient instables, ce qui a pu altérer leur efficacité. Par ailleurs, le recours à des antibiotiques par voie orale, pendant ou après le traitement, ne semblait pas influencer l’efficacité des deux traitements locaux.
Sur le plan de la tolérance, la phagothérapie apparaissait bien tolérée par les patients, avec seulement 23 % de patients présentant des évènements indésirables, contre 54 % dans le groupe de référence.
D’après ces premières données cliniques solides, la phagothérapie ne semble pas à l’heure actuelle constituer une alternative intéressante au traitement de référence dans la prise en charge des surinfections bactériennes de brûlures. D’autres essais cliniques doivent être menés pour mieux étudier et comprendre cette technique, qui semble mieux tolérée par les patients que le traitement de référence. Une étude qui dans tous les cas ne remet pas en cause l’intérêt croissant des chercheurs pour la phagothérapie !
Estelle B. / Docteur en Pharmacie