La phagothérapie, c’est-à-dire l’utilisation de virus capables de détruire des bactéries, est l’une des principales alternatives pour lutter contre les infections bactériennes résistantes aux antibiotiques. Un premier essai clinique a été mené pour évaluer l’efficacité de cette approche chez les grands brûlés. Santé Sur le Net vous en dévoile les principaux résultats.
Antibiorésistance et phagothérapie
Les grands brûlés sont particulièrement exposés au risque infectieux. Assez fréquemment, les bactéries responsables des infections chez ces patients sont résistantes à un ou plusieurs antibiotiques, et les infections sont particulièrement difficiles à traiter. Face au risque d’antibiorésistance, les médecins s’intéressent de près aux approches alternatives à l’antibiothérapie. Parmi ces approches, figure en bonne place la phagothérapie.
La phagothérapie consiste à administrer au site de l’infection des phages ou bactériophages, qui sont des virus qui s’attaquent spécifiquement à une souche bactérienne. Elle a pour avantage de n’entraîner aucun effet secondaire, ni aucun phénomène de résistance.
Récemment, le premier essai clinique destiné à évaluer l’efficacité de la phagothérapie chez les grands brûlés a été mené en Europe. Les résultats viennent d’être publiés dans la revue scientifique Lancet Infectious Diseases.
Un mélange de phages contre les infections des grands brûlés
L’essai multicentrique Phagoburn s’est penché sur l’utilisation d’un mélange de bactériophages contre la bactérie Pseudomonas aeruginosa dans le traitement des infections des plaies des grands brûlés. Un cocktail de 12 phages a été mis au point pour éradiquer au moins 90 % des souches bactériennes de Pseudomonas aeruginosa.
Au total, 27 patients grands brûlés présentant des plaies infectées par Pseudomonas aeruginosa ont été inclus dans l’essai et pris en charge entre 2015 et 2017. Une partie des patients a reçu le traitement standard basé sur la sulfadiazine argentique pendant 7 jours, tandis qu’un autre groupe a été traité par l’application quotidienne du mélange de phages.
Les résultats ont montré que la phagothérapie réduisait la quantité de bactéries de manière plus lente que le traitement standard (144 heures contre 47 heures). Par ailleurs, le mélange de phages s’est révélé peu stable, avec une baisse de l’efficacité du mélange après quelques mois. Malgré tout, la phagothérapie a permis de réduire la quantité de Pseudomonas aeruginosa chez les patients grands brûlés, une catégorie de patients souvent très difficile à traiter. Autre point positif, moins de chocs septiques (complication grave d’une infection) ont été recensés chez les patients traités par phagothérapie, par rapport aux patients ayant reçu le traitement standard.
L’avenir de la phagothérapie dans le traitement des infections
Ce premier essai européen, évaluant l’efficacité de la phagothérapie chez les grands brûlés, a mis en évidence une efficacité moindre de cette approche, par rapport au traitement standard. Néanmoins, selon les chercheurs, la phagothérapie présente plusieurs avantages :
- Une réduction du risque d’antibiorésistance ;
- Une baisse du nombre de chocs septiques, par rapport au traitement standard ;
- Un meilleur respect de l’écologie locale, et donc une cicatrisation facilitée.
Pour améliorer l’efficacité de la phagothérapie, les chercheurs envisagent de tester des mélanges de phages personnalisés pour chaque patient et à utiliser très rapidement après leur mise au point. La phagothérapie pourrait dans les années à venir se faire une place de choix dans le traitement des infections, notamment chez les grands brûlés. Depuis 2017, des patients français, atteints de graves infections ostéo-articulaires, peuvent déjà bénéficier de cette approche, avec un traitement sur-mesure et efficace.
Estelle B., Docteur en Pharmacie