La prise en charge des victimes de graves brûlures est difficile et incertaine. Si beaucoup d’entre elles décèdent de leurs blessures, la recherche médicale ne cesse de progresser rendant tous les espoirs possibles. Parmi les pistes explorées, celle de soulager les grands brûlés grâce à des techniques innovantes de thérapie cellulaire.
Thérapie cellulaire et traitement des brûlures radiologiques
Bien que peu répandues, les brûlures radiologiques désignent des brûlures graves très inflammatoires et douloureuses liées à un surdosage en termes de rayonnement ionisant. D’origine accidentelle ou iatrogène (liée à un acte médical), elles peuvent par exemple survenir à l’occasion de gestes de cardiologie interventionnelle trop longs.
À savoir ! Evoluant de manière chronique, les brûlures radiologiques peuvent conduire à une nécrose des tissus.
Jusqu’aux années 2000, les brûlures radiologiques faisaient l’objet d’une chirurgie d’ablation de la partie de peau nécrosée suivie d’une éventuelle greffe cutanée. Mais pour le Professeur Sébastien Banzet, médecin en chef au sein de l’unité de thérapie cellulaire et tissulaire de l’Institut de recherche biomédicale des armées (IRBA), cette technique n’était pas suffisamment concluante.
Depuis, l’acte de chirurgie s’accompagne d’un traitement de thérapie cellulaire adjuvant dispensé au sein de l’hôpital d’instruction des armées Percy de Clamart. Ce traitement consiste à prélever les cellules stromales mésenchymateuses de la moelle osseuse du patient et à les mettre en culture pour en produire des quantités importantes. Le chirurgien injecte alors ces cellules au niveau de la plaie au moment de l’intervention de greffe.
À savoir ! Les cellules stromales mésenchymateuses désignent des cellules spécialisées présentes dans certains types de tissu conjonctif entourant et soutenant les différents organes du corps.
Bien qu’un essai clinique complet ne puisse être mené vu le nombre restreint de patients bénéficiant de ce traitement, le Pr Banzet décrit une « diminution massive de l’inflammation et de la douleur dès le lendemain de l’intervention et de bons résultats chirurgicaux sur le long terme, grâce à ces injections ».
Thérapie cellulaire et traitement des brûlures thermiques
S’agissant des brûlures thermiques, le traitement de référence en la matière est l’autogreffe cutanée. Si la surface brûlée représente moins de 50 % de la surface du corps, il reste en effet à la victime suffisamment de peau saine pour pouvoir recouvrir la zone brûlée. Mais pour une surface brûlée comprise entre 50 et 70 %, le risque s’avère plus grand pour la survie du patient. Les chirurgiens doivent alors recourir à des techniques d’expansion massive. Elles consistent à greffer des petites pastilles de peau à partir desquelles va se former de l’épiderme d’une surface de six à neuf fois supérieure à celle de la pastille. Seul bémol, la prise de greffe n’est pas toujours optimale.
Fort des bons résultats observés sur les brûlures radiologiques, le Pr Banzet a donc souhaité appliquer sa technique de thérapie cellulaire adjuvante à la prise en charge des brûlures thermiques. Selon lui, «les cellules stromales mésenchymateuses utilisées dans la brûlure radiologique libèrent des facteurs favorisant la prise de greffe ». A ce jour, ce sont ainsi cinq patients qui ont pu bénéficier avec succès d’une injection de leurs propres cellules stromales mésenchymateuses au moment de la greffe par micropastilles.
À savoir ! Cette technique de thérapie cellulaire exclusivement réalisée à l’hôpital Percy a obtenu le statut de médicament de thérapie innovante.
L’ingénierie tissulaire au service des très grands brûlés
Enfin, qu’en est-il des cas encore plus complexes de brûlures, ceux dépassant les 70 % de surface corporelle ? La stratégie thérapeutique employée relève dès lors de l’ingénierie tissulaire. Il s’agit de prélever sur le patient 1 ou 2 cm2 de peau saine et d’en extraire les kératinocytes. Ils sont ensuite multipliés en masse en laboratoire avant d’être mis en culture pour former des feuillets d’épiderme qui seront greffés au patient.
À savoir ! Les kératinocytes sont des cellules qui représentent 90% de la couche superficielle de la peau et des phanères (ongles, cheveux et poils).
Mais là encore, il a fallu faire preuve d’ingéniosité suite à l’arrêt de la commercialisation de cette solution il y a quelques années. Pour pallier cette difficulté, les scientifiques de l’Institut de recherche biomédicale des armées ont développé une technique améliorée consistant à créer un support au feuillet d’épiderme autologue grâce à une matrice de plasma coagulée. Le dossier d’autorisation devant être soumis à l’Agence du médicament (ANSM) est actuellement en cours de rédaction. Affaire à suivre !
Déborah L., Docteur en Pharmacie